Nous sommes maintenant assez près de la terre, et notre ami Beer s'écrie: 'Regardez donc! qu'est-ce qui court là-bas dans ce champ? N'est-ce pas un chien? ' Quelque chose court en effet sur le sol avec une prodigieuse vitesse, et ce quelque chose semble franchir les fossés, les routes, les arbres avec un telle facilité que nous ne comprenons pas. Le capitaine riait: 'C'est l'ombre de notre ballon, dit-il. Elle va grossir à mesure que nous descendrons.

J'entendis distinctement un grand bruit de forges dans le lointain, et comme nous n'avons cessé, durant toute la nuit, de nous diriger sur l'étoile polaire, que j'ai souvent regardée et consultée du pont de mon petit yacht sur la Méditerranée, nous allons indubitablement vers la Belgique.

Notre sirène et nos deux trompes appellent sans discontinuer. Quelques cris nous répondent, cri de charretier qui s'arrête, cri de buveurattardé. Nous hurlons: 'Où sommes-nous? ' Mais le ballon va si vite que jamais l'homme effaré n'a le temps de nous répondre. L'ombre grossie du Horla, large comme une balle d'enfant, fuit devant nous, sur les champs, les routes, les blés et les bois. Elle passe, elle passe, nous précédant d'un demi-kilomètre; et j'écoute à présent, penché hors de la nacelle, le grand bruit du vent dans les arbres et sur les récoltes.

Je dis au capitaine Jovis: 'Comme ça souffle!

Il me répond: 'Non, ce sont des chutes d'eau sans doute. 'J'insiste, sûr de mon oreille qui le connaît bien, le vent, pour l'avoir entendu si souvent siffler dans les cordages. Alors Jovis me pousse le coude; il a peur d'émouvoir ses passages joyeux et tranquilles, car il sait bien qu'un orage nous chasse. Un homme enfin nous a compris, il répond: 'Nord.

Un autre nous jette le même mot.

Et soudain une ville considérable, d'après l'étendue de son gaz, se montre juste devant nous. C'est Lille, peut-être. Comme nous approchons d'elle, apparaît sous nous, tout à coup, une si surprenante lave de feu, que je me crois emporté sur un pays fabuleux où on fabrique des pierres précieuses pour les géants;

C'est une briqueterie, paraît-il. En voici d'autres, deux, trois. Les matières en fusion bouillonnent, scintillent, jettent des éclats bleus, rouges, jaunes, verts, des reflets de diamants monstrueux, de rubis, d'émeraudes, de turquoises, de saphirs, de topazes. Et près de là les grandes forges soufflent leur haleineronflante, pareille à des rugissements de lion apocalyptique; les hautes cheminées jettent au vent leurs panaches de flammes, et l'on entend des bruits de métal qui roule, de métal qui sonne, de marteaux énormes qui retombent.

'Où sommes-nous?

Une voix, voix de farceur ou d'affolé, nous répond:

'Dans un ballon.

- Où sommes-nous?

- Lille.

Nous ne nous étions point trompés. Déjà on ne voit plus la ville et voici Roubaix sur la droite, puis des champs bien cultivés, réguliers, de tons différents selon les cultures et qui semblent tous jaunes, gris ou bruns dans la nuit. Mais des nuages s'amassent derrière nous, couvrent la lune, tandis qu'à l'Est le ciel s'éclaircit, devient d'un bleu clair avec des reflets rouges. C'est l'aube. Elle grandit vite, nous montrant maintenant tous les petits détails de la terre, les trains, les ruisseaux, les vaches, les chèvres. Et tout cela passe sous nous avec une prodigieuse vitesse; on n'a pas le temps de regarder, à peine le temps de voir que d'autres prés, d'autres champs, d'autres maisons ont déjà fui. Les coqs chantent, mais la voix des canards domine tout, on dirait que le monde en est peuplé, couvert, tant ils font de bruit.

Les paysans matineux agitent les bras, nous criant: 'Laissez-vous tomber. ' Mais nous allons toujours, sans monter ni descendre, penchés au bord de la nacelle et regardant couler l'univers sous nos pieds.

Jovis signale une autre ville, très loin. Elle approche, dominée par des clochers antiques, et ravissante, vue ainsi d'en haut. On discute. Est-ce Courtrai? Est-ce Gand?

Déjà nous sommes tout près et nous voyons qu'elle est entourée d'eau, traversée en tous sens par des canaux. On dirait une Venise du Nord. Juste au moment où nous passons sur le beffroi, si près que notre guide-rope, longue corde traînant sous la nacelle, a failli le toucher, le carillon flamand se met à chanter trois heures. Ses sons légers et rapides, doux et clairs, semblent jaillir pour nous de ce mince toit de pierre frôlé dans notre course errante. C'est un bonjour charmant, un bonjour ami que nous jette la Flandre. Nous répondons avec la sirène dont l'horrible voix résonne par les rues.

C'était Bruges; mais à peine l'avions-nous perdue de vue, que mon voisin Paul Bessand me demande: 'Ne voyez-vous rien sur la droite et devant vous? On dirait un fleuve.

Devant nous, en effet, s'étend au loin une ligne lumineuse, sous la clarté de l'aube. Oui, cela a l'air d'un fleuve, d'un immense fleuve, avec des îles dedans.

We are now fairly close to the land, and our friend Beer exclaims; Look!
What is it that that is running over there in that field?
Is it not a dog?
Something is running in fact on the ground with an amazing speed and this something seems to cross ditches, roads, trees with such facility that we do not understand.
The captain laughed: It is the shadow of our balloon, he says.
It's going to enlarge as we descend.
I distinctly hear the loud noises of forges in the distance, and as we had never stopped, during the course of the entire night, from heading toward the north star, which I often looked at and consulted from the deck of my small yacht on the Mediterranean, we were going without doubt toward Belgium.
Our siren and our two horns called without stopping.
Some shouts respond to us, the shouts of a man who drives a cart who stops, the shouts of a late drinker.
We yell: Where are we?
But the balloon goes so quickly that the scared man never has the time to respond to us.
The shadow enlarges of the Horla, large like a child's ball, escapes before us over the fields, the roads, the wheat and the woods.
It passes, it passes, it precedes us by a half kilometer;
and I hear now, bent over out of the gondola, the great noise of the wind in the trees and over the crops.
I say to captain Jovis: how it blows (How windy it is)!
He responds to me: no, those are waterfalls no doubt.
I insist, sure of my ear that I know well, the wind, for having heard it so often whistle in the rigging.
Then Jovis elbows me;
he fears stirring up the joyful and tranquil passengers, because he well knows that a storm chases us.
A man finally understands us, he responds: North.
Another throws to us the same word.
And suddenly a considerable town, based on the extension of its gas, shows up just in front of us.
It is Lille, maybe.
As we approach it, below us appears, suddenly, a such surprising lava of fire, that I think myself brought over a fabulous land where precious stones are created for giants.
It is a brick factory, it seems.
And before us others, two, three.
The melted material bubbles, sparkles, throws out bluish flashes, red, yellow, green, reflections of monstrous diamonds, of rubies, of emeralds, of turquoise stones, of sapphires, of topazes.
And close to there the large forges below there roaring breath, similar to the roars of an apocalytical lion;
the high chimneys throw out to the wind their plume of flames, and one hears the noises of metal that roll, of metal that make sound, of enormous hammers that fall down.
Where are we?
A voice, the voice of a joker or of a panic stricken person responds to us:
In a balloon.
Where are we?
Lille.
We were not mistaken.
Already the city can't be seen anymore and over there on the right, then well cultivated fields, regular, of different tones according to the crops and which seem all yellow, gray or brown in the night.
But clouds gathered behind us, covering the moon, while in the east the sky cleared, becoming of a light blue with red reflections.
It is dawn.
It expands quickly, showing to us now all the small details of the land, the trains, the streams, the cows, the goats.
And all this passes under us with an amazing speed;
one does not have the time to look, barely the time to see that other plains, other fields, other houses have already fled.
The roosters crow, but the voice of the ducks dominate everything, one would say that the world is populated with them, covered, so much they make noise.
The morning peasants shake their arms, shouting to us: let yourself fall.
But we go on still, without climbing or descending, bent over at the edge of the gondola and looking at the universe flow below our feet.
Jovis points out another town, very far.
It comes closer, dominated by steeples that are old, and ravishing, seem thus from above.
We discuss.
Is it Courtrai?
Is it Gand?
Already we are very close and we see that it is surrounded by water, crossed in all directions by canals.
One would say (it seems like) a Venice of the north.
Right at the moment where we were passing over the belfry, so close that our guide rope, a long cord trailing under the gondola, almost touches it, the Flemish bells begin to chime three o'clock.
It's soft and rapid sounds, sweet and clear, seem to flow out for us from this thin roof of rock, barely missed in our wondering course.
We respond with the siren of which the horrible voice resonates through the streets.
It was Bruges;
but barely has it been lost from view, that my neighbor Paul Bessand asks me: Do not see anything on the right and in front of us?
It seems like a river.
Before us, in fact, extends in the distance a luminous line, under the brightness of dawn.
Yes, this appears like a river, like an immense river, with islands inside.
fossé
ditch
cross
se écrier
exclaim
forge
forge
distant
cesser
stop
trompe
horn (blowing instrument)
cart driver
effarer
frighten
récolte
crop
lava
brickworks
molten
bouillonner
to boil
scintiller
sparkle
bursts
reflections
breath
snoring
crest or a plume of feathers
retomber
fall back
panicked
Lille
se amasser
gather
se éclaircir
brighten
steeples
Ghent
belfry
A musical instrument that is typically housed in the bell tower
Flanders
Bruges